ALLUVIAUX (SOLS)

ALLUVIAUX (SOLS)
ALLUVIAUX (SOLS)

On considère sous le terme d’«alluviaux» des sols souvent assez différents par leur morphologie et leur évolution, mais présentant la particularité de se développer sur alluvions généralement récentes. Cela représente d’ailleurs un facteur dominant dans la genèse de ces sols, qui sont tous caractérisés par leur jeunesse et la différenciation faible, sinon nulle, de leur profil. Ce sont en effet des sols d’apport (ou sols allochtones) qui peuvent être renouvelés, à certains moments, par le dépôt d’un sédiment, éolien ou fluviatile le plus souvent, ou des sols formés sur matériaux apportés. Par conséquent, ni l’influence du climat ni celle de la végétation n’ont eu le temps d’intervenir de façon importante.

On envisagera tout d’abord le cas des sols alluviaux bruts, constitués par les alluvions elles-mêmes, et pouvant en outre donner naissance à des sols plus évolués; puis les sols alluviaux proprement dits représentant un stade plus avancé de l’évolution pédogénétique de certains dépôts alluvionnaires (basses terrasses).

1. Les alluvions, ou sols alluviaux bruts

Considérées du point de vue pédologique, les alluvions font partie des sols minéraux bruts meubles, ou «régosols».

En fait, ces formations ne sont pas à proprement parler des sols véritables, n’ayant encore subi aucune action pédogénétique; mais comme elles sont le point de départ de nombreux autres sols, y compris les sols alluviaux stricto sensu , dont elles influencent les premiers stades évolutifs, il n’est pas inutile de rappeler ici certaines de leurs caractéristiques dominantes. Contrairement aux «colluvions», issues de matériaux dont le transport a été bref (ex. les éboulis), les alluvions sont formées d’éléments ayant subi un trajet relativement long, sous l’action d’agents variés tels que le vent, l’eau ou la glace.

Certains matériaux sont plus typiquement à l’origine de ces sols.

Les moraines

Difficilement colonisables par la végétation, les moraines peuvent néanmoins accueillir certaines espèces «pionnières», telles que les mousses, les saules nains. Au bout de quelques années, des «acidiphiles» (aulne vert) entraînent la formation d’un humus brut et le développement d’un ranker. Le terme de cette évolution peut être une lande à Éricacées sur podzol.

Les dunes littorales

Les dunes littorales peuvent se prêter à l’implantation d’une végétation adaptée, devant résister, notamment, à la sécheresse et à l’enfouissement (oyats, genêts, armoises). Ces espèces fixent le sable grâce à leurs rhizomes traçants, ce qui permet parfois à une dune primaire de s’élever et de devenir une dune secondaire. Mais cela n’est pas toujours le cas. Il existe des dunes mobiles (ex. la côte landaise), que l’on est obligé de fixer par des plantations de résineux. C’est alors que l’on assiste au développement d’un sol à mull acide ou à mor selon le sous-étage végétal qui s’est installé.

Les apports fluviatiles

On classe les apports fluviatiles suivant leur situation par rapport au lit majeur du cours d’eau, en relation avec leur âge et avec la taille des éléments qui les constituent, elle-même très variable selon la pente du cours d’eau.

Les terrasses anciennes sont généralement les plus élevées. Souvent caillouteuses, elles sont aussi plus lessivées (départ du calcium), plus acides que les récentes, et parfois rubéfiées. Dans certaines régions on a pu y cultiver la vigne, à condition d’apporter des engrais (ex. les Graves de Bordeaux, installés sur la haute terrasse de la Garonne).

Les terrasses récentes, inférieures, sont au contraire riches en éléments fins (argiles). Plus humides, elles peuvent même être, dans certains cas, inondées pendant une grande partie de l’année et occupées par des marécages, ce qui les rend impropres à la culture. On peut cependant y planter des peupliers dans certaines conditions (cf. infra ).

Mieux équilibrées, les terrasses moyennes se prêtent mieux que toutes à l’agriculture, et la culture du blé peut y réussir.

2. Les sols alluviaux stricto sensu

Genèse et caractères généraux

Dans les sols alluviaux, un début de différenciation s’est amorcé (profil à deux horizons A et C), principalement sous l’influence d’alternances d’humidité et de sécheresse provoquées par les oscillations très prononcées d’une nappe phréatique. Cette condition est réalisée notamment dans les alluvions fluviatiles récentes, ce qui confère aux sols d’apport fluviatile un certain nombre de caractères communs: d’une part, un rajeunissement du profil, provoqué par les apports alluvionnaires plus ou moins fréquents, d’où un freinage de l’évolution pédologique; d’autre part, souvent, une faible teneur de ces sols en humus, du fait de la minéralisation rapide de la matière organique; enfin, l’absence de phénomènes permanents de réduction. Les deux derniers phénomènes sont dus essentiellement à une bonne aération de ces sols en saison sèche, ce qui les différencie franchement, d’un côté des sols tourbeux, de l’autre des sols à gley. Cependant, une texture très fine – fréquente dans les basses terrasses actuelles – peut freiner les oscillations de la nappe phréatique et gêner ainsi l’aération des horizons profonds, d’où possibilité, dans ce cas, d’une certaine hydromorphie avec passage aux sols alluviaux à gley profond ou à pseudogley.

Du point de vue morphologique, le profil d’un sol alluvial est souvent marqué par une hétérogénéité de texture qui traduit les alternances dues aux phases successives de l’alluvionnement, et qu’il faut distinguer de la différenciation pédologique, toujours faible ici. Il n’y a pas d’horizon d’accumulation B; et l’horizon A, bien que visible, est le plus souvent peu épais. Ils sont fréquemment mal stucturés.

Évolution

Mis à part ces caractères dus aux conditions locales, les sols alluviaux ou d’apport alluvial se rapprochent de classes pédologiques différentes suivant les conditions lithologiques ou climatiques régnantes . On peut ainsi comparer certains sols alluviaux aux rankers, dans le cas d’une roche mère siliceuse et pauvre en cations (Paternia de Kubiena), d’autres aux rendzines, sur roche carbonatée (Borovina ). Certains anciens sols hydromorphes à anmoor peuvent évoluer par ailleurs vers le type alluvial, à la suite de la descente de la nappe d’eau. Des sols de ce genre sont généralement riches, mais, du fait de la forte proportion d’eau immobilisée par une matière organique très abondante, ils risquent d’être physiologiquement secs.

Sous l’influence du climat, les sols alluviaux tendront vers des types plus évolués, qui pourront cependant garder un caractère «alluvial», comme la présence d’une nappe phréatique profonde. Certains sols bruns (Vega de Kubiena) et certains podzols se trouvent dans ce cas.

Écologie

On comprendra aisément que, vu le rôle joué par l’eau dans la dynamique des sols d’apport alluvial, seule une végétation bien adaptée à ce milieu particulier s’y développera. Par exemple, le peuplier de culture peut atteindre la nappe, même en saison sèche, grâce à la longueur de ses racines; et il supportera bien les inondations, surtout si les eaux sont renouvelées. D’autres espèces végétales plus ou moins hygrophiles – en Europe, l’aulne, le frêne, le tilleul, le chêne pédonculé – parviennent également à s’adapter. Enfin la prairie s’accommode de ce milieu si la texture du sol est favorable à la remontée capillaire: par exemple, une couche argilo-limoneuse, assez épaisse pour atteindre le niveau le plus bas de la nappe, conviendra, alors que des lits graveleux intercepteront au contraire la remontée de l’eau. Certains limoneux, non hydromorphes, constituent des sols agricoles très fertiles.

Classifications

Les sols alluviaux occupent des places différentes dans les classifications pédologiques, selon le caractère ou la tendance que l’on veut mettre en relief. Trop jeunes pour dépendre directement du climat (Entisols de la taxonomie américaine), ils s’opposent aux sols mûrs. Kubiena les a rangés dans les sols «semi-terrestres», mettant ainsi en évidence le facteur hydrique. Muckenhausen les place également aux côtés des sols hydromorphes, tout en établissant des distinctions fondées sur l’amplitude des oscillations phréatiques (cf. tableau). Les sols alluviaux à gley profond représentent par exemple le terme intermédiaire entre sols hydromorphes et sols alluviaux (Aquerts de la classification américaine).

Dans la classification française, ils sont rattachés aux classes I et II, de sols non ou peu évolués, parfois dénommés primosols (P. Segalen et al.).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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